30 juin, 2011

"charbovari" disait l'autre

à propos du roman Madman Bovary par Claro.



phrase branlante pour exprimer un avis :


jubilatoire est l'écriture flaubertienne de Claro - un pitch simplement génial où le texte, l'histoire, le bonhomme F, les milles idées contenues dans chacun des pots de confitures explosent, confitures presque au sang, à la morve, celle coincée au creux de la bouche à force de revisiter les grimaces de son visage - il y en a en tout pour trois ou quatre heures de lecture excitée, électrique, sous le métro, à reconstruire le raisonnement du mec dinguo



un extrait donc bien que difficile virgule dans un bouillonnement pareil virgule d'extraire une cacahuète :




58 à 32

    "Je renoue avec mon ami Gustave F. Il s'en va demain en Orient. Viens. me dit-il. Je soupçonne un piège, mais, ivre mort sur le canapé du salon, l'empreinte de la télécommande sur la joue gauche, je me vois mal mener une enquête. Je lui propose une bière. Il la boit d'un geste sec, comme s'il consultait juste l'heure à son poignet. Puis il part, et je reste dans mon petit studio aux murs décorés de Homais en se levant de bon matin, de Homais recevant la médaille du mérite pharmaceutique, Homais essayant la bombe atomique sans le recours au moindre adjuvant, Homais battant Homais à son propre jeu, Homais Homais pourquoi m'as tu abandonné ?, Homais n'est plus dans Homais, Homais coursant des récidivistes dans un dédale de rues s'achevant en cul-de-sac, Homais troué, Homais nu mais consentant, Homais mangeant sa mère. On sonne. C'est mon ami Gustave F. Il s'en va demain en Orient. Viens, me dit-il. D'accord."



24 juin, 2011

D'abord se prépare (déjà essoufflée) sous le rideau puis joue (jouer, jouer, toujours) l'indienne dans un fond carton pâte et se pâme par branlements vulgaires, le tableau orientaliste dont on adore l'encens. Slumdog Millionaire sous des kilos de pavots.






(Master Musicians of Bukkake - In The Twilight Of Kali Yuga)

23 juin, 2011

Hiroshima mon amour - Alain Resnais

(Hiroshima mon amour, 1959 - sur lequel tant de choses ont été écrites, je me fais conteur, spéculateur amoureux d'un film fascinant, pas plus...)





Les corps cherchent, se cherchent, sous les flocons nucléaires. Enfermés dans la chambre, des corps de fantômes et deux voix se perdent l’une dans l’autre. Le film s’ouvre sur un monde meurtri à jamais : la chair, la bombe, la honte d’être homme ; qu’on le veuille ou non. Les garde-fous sourds. La vie-même des amants en est la preuve et le témoignage : ils ont survécus, simplement, naturellement, à la barbarie.

Nous sommes voyeur de ce nid d’amour éphémère, nid de mort entre deux âmes perdues : Elle et Lui. Nous découvrons Hiroshima dans un rêve, cachée par le brouillard et nous entendons seulement la voix d’Emmanuelle Riva. Une mélopée dans le silence. Sa voix, fil de la mémoire, articule l’objet cinématographique.







Les corps se recouvrent, se mélangent ; ils s’étreignent pour oublier leurs malheurs, pour farder la découverte d’une bestialité toute culturelle, toute humaine. Les amants vivent dans un monde, une chambre, où plus aucune fenêtre ne leur permet de s’échapper.

 

Ce corps charnel, en demande, remplace le souvenir, tente de sublimer une déchirure maintenant recousue.







« Tu me tue, tu me fais du bien ».



Nevers veut voir son corps « déformé jusqu’à la laideur » afin que chacun puisse voir à quel point la folie a pu prendre corps dans les entrailles de cette jeune femme, maladroitement amoureuse en 45 de ce que les autres avaient appelés l’ennemi. Le frère parfois. Amour qui fut intense tant l’émotion et la jouissance innocente qu’il procurait étaient grandes. Un amour rongé par l’histoire - à son tour détruite.

Le corps oublie car il survit irrémédiablement.





On ne meurt pas d’amour. Mort de l’amour. Ainsi, elle abandonne ses douleurs en l’autre et dans cet asiatique, elle ne trouve que l’allemand d’avant. L’étranger. Alors doucement, il meurt à son tour, il n’est plus qu’une trace : pour elle, il n’est d’ailleurs plus qu’un souvenir, accompagné de sa souffrance - quelques miettes de vie. Il n’est que le poison avec lequel elle souhaite retrouver la mort.





20 juin, 2011

le sang d'un poète - Jean Cocteau

(Le sang d’un poète, 1950)
     



     Créer est un acte égoïste pur. La création passionnée est comparable à la masturbation. Un don aveuglé de soi. Jean Cocteau et son peintre jouissent seuls de leur création. La bouche du portrait inachevé, s’immisçant sur la main du peintre lie les deux sujets d’une profonde intimité. Ces artistes là donnent vie aux fantasmes, aux obsessions, aux quelques hantises labyrinthiques qui peuplent leurs subconscients. Néanmoins, une fois parvenue au sommet de l’auto-jouissance, le fluide-objet, devenu entre temps artistique, est expulsé.      

     



   

    Venant au monde - à l‘extérieur, au contact des choses.
    Les formes créées s’échappent et le poète doit les abandonner dans la nature, un tourbillon. Rien ne lui appartient plus. Ce qui est devenu joue avec le monde, joue avec son géniteur. C’est Cocteau la statue. La forme évolue dans l’oeil du spectateur - un décor. La forme chante seule, elle évolue dans une liberté que le poète n’aurait jamais pu imaginer. Le sens de l’objet artistique fuit, se dérobe sous sa propre métamorphose et dépasse ses lignes initiales. Cocteau sacrifie à son objet une part de lui. L’objet prend son envol sans son consentement et est bien décidé à vivre indépendamment de son créateur.

     

     

     Le sang d’un poète nous plonge dans les affres créatrices de Jean Cocteau. L’objet : sublimation de la chair. Il y a des corps beaux et mâles qui collent aux murs. Ils sont sévères, comme des animaux. Parfaits et énigmatiques : figure principale et statues, la femme mystérieuse, les enfants qui luttent dans la neige. Un rêve simple où tout répond à soi. 
     Les codes objectifs et naturalistes basculent, à l’écoute des troubles, des assemblages intérieurs, d’une création de toute pièce, le théâtre d’une vie sentie reconnue sur la scène. On emprunte le sentier : ouverture / fermeture - on assiste à travers le trou d’un mur à l’effondrement d’une ziggurat, vainement édifiée par l’artiste.







     Est offert un voyage d’une seule seconde dans les méandres de l’esprit maudit et trop subjectif pour le monde, malade - utilisant pour redonner un regard signifiant sur le monde, les éléments neutres de l’environnement commun, les objets à disposition.

19 juin, 2011

introduction -

     L'année dernière, dans le cadre d'un cours délivré par Jean-Michel Devésa (que je salue par ailleurs !) à l'université (qui parfois propose quand même certaines choses intéressantes), j'ai produit une suite de réflexions, écrits sans prétention, sur un possible nouveau cinéma dont il était question dans ce cours.
Je suis retombé dessus et me suis dit, "pourquoi pas des critiques ?".  - Pourquoi pas. C'est vrai.
Alors j'ai relu ça. J'ai été un peu choqué je dois dire (je ne sais pas trop pourquoi) alors j'ai un peu repris formellement ces textes. Sinon, rien n'a changé. Je vais publier ici, et à la suite de ce message introductif, ceux dont je suis plutôt satisfait.

     Ces critiques ne prétendent pas à une exhaustivité pleine - qui est inintéressante, car comprendre n'est pas une chose difficile à faire. Ces films ont souvent été pour moi des ouvroirs à sensations, à idées, à vie(s). Mes critiques sont juste quelques traces - que je partage à défaut de les envoyer au rebut. 

Voilà donc ces petits morceaux de choses.

     (Je vais commencer à en mettre une demain).


***

intitulé

     Idées, regards et fascinations 


     « Bien que la caractéristique du bruit soit de nous rappeler brutalement à la vie, l’ART DES BRUITS NE DOIT PAS ETRE LIMITE A UNE REPRODUCTION IMITATIVE » 

                                                                                              L’art des bruits de Luigi Russolo 

12 juin, 2011

fuite 2

rêvant d'écroulements dans l'herbe dure des plaines de l'est, s'écrouler, sans maison pour un temps, pour danser un peu plus avec le monde autour qui te lie - s'y sentir plein








Roumanie, 2009, avec A. - auberge La Grande-Ourse.

08 juin, 2011

fuite 1





(Novska, Croatie, août 2010)






                                                                                                                                forme terre
                                                                                                                                 ou ciel sur l'image
                                                                                                                                 voilée du nuage



Y. di Manno. Un Pré - chemin vers

06 juin, 2011

morceau perdu .1

 début juin, voyage en train, habitant par intermittence ma maison de verre



J’ai vu des cigognes sur la route ; les rails. Un ciel, qui s’arrache du bleu, des arbres à perte – vite, en passant, dans le silence. Et rien. Et pas un visage alors. Les bruits de porte et la voix aveugle qui annonce monotone les stations à toute vitesse. Les villes qui passent et disparaissent. Un désert vert ensuite, parfois ; ou les rondins qu’on a vu mille fois ensemble, avec nos amis, à l’arrière de la voiture, en sueur, n’entendant de la musique que les aigus, quelques morceaux isolés. Mais là rien.
Et rien. Moins de soleil alors. Ces cerises cueillies pour toi pourrissent dans mes mains. Moi aussi, un peu : sans voix dedans, sans rage, accablé, m’accablant. Pensant à vous et frappant doucement vos noms possibles dans le temps.

02 juin, 2011

sans titre 1, fin avril 11


Tout premier texte de cet espace. "Sans titre 1", nommé secondairement "Rhizome" - de manière assez automatique. J'ai essayé de comprendre alors. Parcourir les souterrains, peut-être.





Il est vague. La cuvette proche. Le mur est jaune, peu ferme. Il y a au sol quelques insectes rampants qu’il regarde, des sauterelles sous la tête. Il se lève alors.
           

    Une nuit de neige. Il y a des masques dans les arbres. Il assomme, nu-pieds, les dernières feuilles de l’automne. Il avance dans la forêt aveugle. Les souvenirs crient loin, il se tait, il écoute les échos transformés par les images tout autour.
            

    Puis un écho, une ombre de femme a surgi, d’un seul coup. Il la suit. Elle court vers sa cachette.
            

    La hutte est plantée là, cernée d’hallucinations ramassées par terre, sales, dans l’écume du bois. A la seule fenêtre, la lumière disparaît. Il suit les petites bêtes, les arbres sont de longs couteaux tordus, ils le menacent alors il rentre, la syncope.
            

    La bête brune est assise sur une chaise simple. C’est une lumière de glace abandonnée par la nuit. Ce petit œuf recouvert de peau regarde autour. De son museau coule des larmes bleues, frêles, orphelines.
            

    Elle l’accueille, sans rugir.  Mains. La sirène s’offre en spectacle : son abîme sans voix, sans étoiles. Les draps sont fermes.
            

    La hutte chavire. Je suis l’ogre. Les vieux mollets tremblants, il s’invite dans la danse du corps svelte, en équilibre sur la corde. Le recueil de la pluie s’éteint alors. Les vibrations fuyantes seules témoignent de la lutte inachevée.



Les doigts dans la gorge, il goute la fée, non sans le crime, redevenant personne. Adieux à l’écume, aux masques des arbres, aux souvenirs colorés : il marche maintenant à l’envers des heures entières.