Le Fiacre, une fois dans la cave,
ressemble à un bateau. Il y a des hublots sur le côté de la coque en pierre. Au
fond de la cale, il y a vingt pelés pas serrés mais attentifs. Je suis allé
là-bas parce que c’est un ami qui organisait, il ne va pas jouer et faut croire
que je suis le seul à pas le savoir. Je peux mettre seulement 1 euro dans la
caisse des organisateurs car j’ai la poche trouée. Et pas de quoi boire un coup.
Je payerai le quart d’un club sandwich du groupe en tournée. Cela ne me rassure pas. Ceci dit, j’ai vu deux groupes et j'en parlerais comme ça.
1. I AM A CURSE
2. MOLOCH MONOLYT
3. FIN HEUREUSE
1.
En dedans, dès le début, il y a
un nerf tendu. Un battement qui annonce la grimace d’après quand, sans mots, tu
en vois un peu trop. Des moustiques dans l’oreille par-dessus les blancs. Derrière,
ça gesticule. Vraiment des éclairs et des cris. C’est l’imaginaire aussi qui se
disloque et n’arrête pas de se distendre, remuant parce que tu connais rien à
ce que t’écoute. Je grimace, ça me tire, dans les béances, j’ouvre les yeux. Je
monologue là-dessus, je plaque un tas d’images à moi. Derrière des vagues,
derrière des vagues. Mordillant à petites gorgées le sable mouillé, faisant des
châteaux et les herbes qui dansent et les pieds qui collent et encore faire des
monstres avec les doigts, des grandes araignées, les enfants enterrés sous les
vagues, encore et encore. Et il y a la musique qui traverse tes paysages ;
quand la musique les traverse, que les liaisons saturent, ça veut dire que ça
marche. Après, j’ai entendu crier comme dans le noir, ou comme quand on sort du
noir, j’ai vu quatre types hurler à l’arraché et c’était fini. J’ai vu un tas
de choses, en voyage pendant
vingt-cinq-minutes d’une violence sonore pleine d’îles auxquels s’attacher.
A la fin, j'étais donc heureux comme quelque chose comme ça, après avoir un peu basculé.
2.
Quelque chose de west, tape des
mains, sourires contents – comme des synthétiseurs. Douceur : un bonbon après le
vent fort d’avant. On fait un feu et maintenant le sable chante des ballades,
ne se transforme en rien du tout. Les dernières chansons, c’était comme la fin
d’un duel quand le gentil gagne, tellement gentil qu’on sait que c’est un vrai
faux gentil. Oui. Pas un gentil comme des fois avec un poncho. Là,
sympathique et bougre propre. J’aime bien taper des mains autour du feu et
l’harmonica donc j’ai récupéré des sourires et des bonbons pendant le concert pour les emmener sur le chemin . La
voiture marche très bien mais a un nom bizarro. Une musique remplie de fleurs
colorées.
3.
Puis sur la terrasse, il
faisait du soleil dans la nuit et pas froid car bien entouré. J’ai parlé un
petit peu et j’ai filé. Sur le retour, les gens bruyants de Victoire (jeudi
soir : l’autoroute à la connerie et l’oubli) m’avaient l’air au fond pas si
mal.
NB (à qui j'amènerais cinq euros la prochaine fois)
http://negative-beliefs.blogspot.fr/
I Am A Curse
Moloch Monolyth
Photo prise à Igoumenitsa (GR), 2008 - parce que c'est vraiment quelque chose du départ vers le phare woolfien qu'il y a dans I Am A Curse.
bonus
"En tant qu'enseignante, j'étais satisfaite.
En tant qu'écrivain, je rechignais pour la forme.
En tant que rien de spécial, je pensais pan dans les dents."
Nathalie Quintane, Tomates (P.O.L), pp.46,47.