21 novembre, 2012

Into the abyss. Herzog.




Il y a des oiseaux qui couvent sur les pylônes tout près des prisons. Le film parle d'un genre de villes où on a mis la peine de mort et des pistolets. C'est idiot déjà. Ils ont tués pour une bagnole, on va les tuer. Dans le lac où les deux gars ont tué la mère de famille, les forces de l'ordre trouvent des corps non-identifiés. Est-ce que si je pose des sales questions et que les gens pleurent j'ai le droit de filmer, voir, est-ce que je dois filmer. La voix qui pose les questions semble loin du monde. Avec un oeil tout frais sur les autres : il s'en fout, il fonce dans le tas, il se marre, il perce. Quand le révérend parle devant les tombes, j'ai l'impression de voir les tombes des juifs tombés d'épuisement et de faim à Gurs (qui existe encore, je les ai vu). Je n'y peux rien, c'est là, sous mes yeux, je vois ça. Sur les tombes il n'y a que des numéros - comme des étoiles. Comme des impacts de balles. Je me demande ce que ça fait comme bruit en vrai, tout près de l'oreille. Je renifle un nombre de fois énorme. Derrière moi un type ricane mais peu sûr de lui. C'est tellement vrai que c'est de la fiction. C'est tellement de la fiction que c'est vrai. Je pleure, rage. Surtout quand le type, qui accompagnait les condamnés à mort, parle. Il a vu quelque chose de trop grand, quelque chose que le temps lui avait fait oublier, il passe de machine à homme. Il a les yeux rouges aussi. Le type ricane de nouveau quand le type à la casquette des Chicago Bulls crache par terre. Il ne sent pas sale pareil. Je ne l'espère pas. Les images sont trop clairs et j'ai mal aux yeux. Est-ce que c'est pour que le public américain se voit lui-même, comme dans un miroir ? Est-ce pour qu'on voit le voisin de siège pleurer aussi, plutôt que pleurer, se cacher ? On se voit nous aussi. J'ai du mal à ne pas avoir mal partout à rester assis. Herzog filme des Pierres Rivières : père et fils en taule, main dans la main. Seulement là. Tous les témoins semblent vouloir être des animaux, pour se faire manger sans avoir rien à en redire. Ils ne font qu'en parler : écureuil, oiseaux, renard, alligators. Il y a de la lumière partout dehors là-bas. Nos vies sont toutes vides, nos vies sont vides. Elle débranche la ligne de téléphone pendant cinq ans. Mais ils arrivent à rebâtir quelque chose dans leur tête quand même. Je veux serrer le père de l'accusé à perpétuité dans mes bras. Qu'on oublie tout. Qu'on oublie tout. La vraie lumière revient, les gens s'en vont vite. Une fois rentré chez moi je chiale.



à partir de into the abyss, a tale of death, a tale of life, 2011, Werner Herzog.



Note.
Je n'avais jamais rien vu de Herzog. C'est toujours délicat les films-limites. Le thème, si fort, brasse toute l'attention. Dont l'attention à la forme. On oublie le qu'est-ce qu'il fait + comment. On ne s'y aventure pas ou on tire les ficelles trop vite. Je ne sais pas. Je m'en fiche : montrer, c'est facile, toujours, c'est ce que tout le monde a dû en dire. C'est même vicieux. Mais Herzog y met quelque chose de plus : les voitures passent vite sur le bitume qui en hd semble tout proche / on roule / on roule / désert / les rondes sur les murailles / les pylônes / les fusils / les pylônes / la balle parfois se coince / yes sir / chacun des visages / les voix qui s'arrêtent / reprennent. 


Aucun commentaire: