07 juillet, 2011

pour aW






à a.w, qui n'en verra pas la couleur



Hier soir, j'ai reçu un appel d'un ami très cher. Il avait décidé, deux semaines plus tôt, de s'échapper de ce quotidien ramifié qui était le sien depuis un moment - celui de son entourage, de ses douleurs timides subies pendant l'année, incomprises, et de son avenir toujours drapé d'un voile que lui même ne voulait soulever.

Il plongea dans l'été. Seul cette fois-ci.
Il s'est écorché sur son propre rivage (métaphore que j'aime beaucoup) : l'ivresse de la fuite passée, il a été rattrapé par les insectes cachés sous les décors, portant toutes ses difficultés à construire un être au monde. Elles lui ont grignoté la tête. Je le traduis dans ma langue !

Il m'a parlé surtout, la panse pleine d'une semaine déjà enfouie maintenant. Il a vu deux mers m'a t'il dit, ce jour là. Je sais aussi qu'il était près de là où il venait, étrangement. Et il semblait être arrivé à un premier terme, une première position. Sa voix claire. Résignation positive, pensais-je.
Les menus détails qui avaient rempli sa semaine devenaient alors pour moi primordiaux, je m'y accrochais, sans savoir rien. Je m'y suis vu, un peu. Il y a presque un an, je rodais à la recherche d'un coin où dormir dans les forêts des Rhodopes bulgares, seul, fou, sous les arbres (sous les masques, moi sans), avec une langue à moi seul que j'essayais de faire résonner sans réussir. Sujet instable, les choses floues impossibles à saisir m'entouraient. Puis d'un seul coup, je ne sais comment, tout est devenu muet - je m'y noyais.
La douleur de la corde rompue passée, les choses sont redevenues un tant soit peu exprimables à moi-même et je découpais le monde entier en deux, en trois, en quatre, sûr de moi, m'amusant avec ces morceaux de réel auxquels je m'accrochais. Je vagabondais seul, j'étais roi.

Au téléphone, j'ai comme entendu cette clarté dans ses mots à lui. Comme un sourire transmis, une main sur l'épaule ; intimement - les mots hors. Et de sa part à lui.

Raccrochant, j'étais inexplicable à moi-même.


(Je me relis : inexplicable, oui. Une espèce de nostalgie me visite alors, celle de mes trois derniers étés, avec Alix - avant tout, puis avec les amis qui avaient alors voulu nous suivre dans ces pays où il n'y a rien à voir à part soi. Mais pas l'envie de repartir cette année - nous construisons autre chose, pour d'autres temps. J'ai envie de reprendre maintenant - et pourquoi pas ici - mes notes de voyage et de regrouper les morceaux que j'ai égrainé dans mes cahiers d'écolier, écrivant sur mon genou de l'écriture la plus sale, la plus vitale ces vies que nous vivions ailleurs mais , enfin sur terre).



(crédit photo : Roumanie, fin août 2009, côte mer noire)

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