06 juillet, 2011

India Song - Marguerite Duras

(India Song, 1975 - j'ai déjà mis un mot à ce propos de ce film dans Page Blanche 01, revue éditée par l'Entre-Dit ; voici une lecture plus fournie, rien qu'à moi toujours -)









    Absences. Amour fuyantes disparues. Indécises.
Une mendiante à qui il ne reste que la voix - chantant un désir. Point. Le jour.
 Sa trajectoire, plutôt que destin, se confond avec celui d’Anne-Marie Stretter, perdue, fragile.

    Elles subissent le même sort : l’oubli, le confinement en elles-mêmes : l’une est meurtrie, malade, pauvre, accablée ; l’autre s’efforce de souffrir à travers des aventures adultères, par mutilations morales ; réponses à une Loi - et écoute la pauvre.

 ...

India song est nature-morte, les fruits oubliés, juste. Désirs dans objets restés objets. Les sentiments inanimés, cachés dans les plis des rideaux, dans les lignes du corps de la femme blanche, entre les meubles austères, dans les paroles sans propriétaires qui n’en font alors plus qu’une : une certaine détresse.


    Un seul cri.


Cri répété. Peut-être morceau de piano qui articule les images, les affects et les mouvements que le film montre, ne représente pas, existe, représente alors mais montre, confus, sec, sûr. Les notes bâtissent un huit-clos, comblent dans la répétition le manque de possible offerts aux personnages organes.


Elle meurt dans son salon. Nous, les voyeurs de sa douleur - entourés des témoignages étrangers - ; ses fantasmes et cicatrices, en guise d'offrandes.



(Détruire le texte, détruire l’image, démembrer le script. Le montage envisage la présence d’un monde impossible à représenter. Le rythme de la pièce musicale de Carlos d’Alessio se perd dans ces grands paysages sans figures filmés par la main fragile de Marguerite Duras. Les ellipses et épisodes fragmentaires témoignent du vide de la vie-même et d’une esthétique de l’impossible quotidien vide, rempli de minutes seules. Minutes seules qui ne dansent pas, elles.
Le son et l’image ne jouent pas dans un rapport de complémentarité mais de différenciation et de mise en relief respectives. L’image, la scène figée est parasitée par la puissance iconique du son, de la voix, de la note ou, par renversement, l’image sonore de la scène brouille la perception naturelle du bruit.)


...











India Song est un film un tableau, une partition, un ballet, un opéra aphone. Sans nord ni sud, ni temps ni distance. Vide et mots avant l’abîme à palper sur la pellicule.


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